Centenaire de la mort d’Alfred Venot

Moment de profonde émotion le samedi 3 octobre pour rendre hommage au Colonel Alfred Venot, mort le 7 septembre 1914 lors de la bataille du Grand Couronné.
En présence de la belle-fille du Colonel, de ses petits et arrière petits-enfants, sous la houlette de Jean Claude L’Huillier et avec l’aide et le soutien logistique de Jean Munier, cette cérémonie retraça dans le détail les dernières heures de la vie du Colonel.
On retiendra son sens du devoir, son courage, le profond respect de ses hommes et l’émotion que suscita sa disparition parmi ses plus proches collaborateurs. L’histoire retiendra que la route de Nancy passait par Amance.. grâce à des hommes de la trempe du Colonel, Amance ne tomba pas et Nancy fut préservé. Sur le chemin qui mène à la ferme de la Fourasse, une croix rappelle le sacrifice du Colonel et de tant d’autres.

Jean-Claude L’Huillier nous propose un récit des faits qui se sont déroulés il y a cent ans, à Amance.

ALFRED VENOT
Lieutenant-colonel, Chef de corps du 206ème Régiment d’Infanterie
Décédé à Amance le 7 septembre 1914

Venot01

« Ce chef que j’aimais tant et qui m’a montré comment on doit mourir pour son pays. Je ne verrai rien de plus beau. »
Lettre du Capitaine du Mesnil à Madame Venot (septembre 1914)

« Je puis vous affirmer que le Colonel Venot, qui était aimé de ses hommes comme un père dont il savait si bien prendre, suivant les occasions, les paternels soucis, a été regretté partout avec un véritable chagrin ».
Lettre du Capitaine Revol à Madame Venot (21 septembre 1914)

« Son sacrifice volontaire, mais inutile, qu’on aurait pu éviter, si on avait eu des renseignements plus précis et plus sûrs, et on eut ainsi gardé, pour d’autres moments, des ressources d’intelligence, de force, de vertu acquises, des capacités fécondes qui auraient rendu les plus éminents services. »
« Notes de guerre » P.52, par l’Abbé Charles Burbaud, Aumônier du 68ème GBD.

 

Sa vie.
Claude Alfred Camille Venot est né le 15 août 1866 à Moroges (71). Fils d’Antoine Venot, chef d’escadron du 6ème RA, et d’Anne Berthault.
C’est un homme de petite taille, 1m68, les cheveux et les sourcils châtains, les yeux gris, le front ordinaire, nez moyen, bouche moyenne avec un menton rond et un visage ovale rehaussé par des moustaches bien fournies dont les pointes relevées grandissent le personnage. Lieutenant-colonel du 206ème RI de Saintes (17), Chevalier de la Légion d’honneur, médaille de Madagascar, officiers de l’Ordre d’Anjouan.

Son sacrifice
Le lundi 7 septembre : Départ de Seichamps à 4h00 du matin avec mission d’explorer la forêt de Champenoux (d’Amance) au Nord de la route dans la direction Rond des Dames, ligne de chemin de fer, direction de Brin. Pour s’y rendre l’itinéraire est Laneuvelotte-station de Laître sous Amance.
La 21ème compagnie du Capitaine Petit est aiguillée sur la corne du bois au Nord de la halte de la Bouzule, du pont du ruisseau de l’Amezule, en passant par la voie ferrée.
La 19ème compagnie du Capitaine Léro déboite au Nord de la voie ferrée par le petit chemin.
Sous la protection de 2 compagnies, les 19ème et 21ème, qui font la reconnaissance de la lisière du bois, le 6ème bataillon (Pucheu) prend une position défilée dans le ravin qui descend de la cote 262.
A 6h30, un ordre impératif de la division et un deuxième non moins impératif de la brigade ordonnent de brusquer l’attaque du bois et de la ferme de la Fourasse, le Colonel prend aussitôt les dispositions suivantes :
• le 6ème bataillon du Commandant Pucheu reçoit comme secteur d’attaque, Corne du bois au petit ravin descendant du bois sur le chemin.
• Le 5ème bataillon du capitaine Courtade reçoit l’ordre d’enlever la ferme de la Fourasse.

La Compagnie Courtade toujours entraînée par la présence du Colonel fait un bon en avant et arrive près de la ferme de la Fourasse. Le feu de l’ennemi l’oblige à s’arrêter, il est à ce moment 7h45. Le bataillon était alors sous le feu de la grosse artillerie ennemie qui désorganisa nos unités. L’ennemi profite habilement de ce moment pour faire une contre-attaque avec un effectif d’environ deux compagnies.

La première victime de cette contre-attaque est le Lieutenant-colonel Venot, commandant le régiment, qui blessé mortellement eut encore la force de dire à un adjudant qui se trouvait près de lui : « J’ai mon compte prenez le commandement et en avant ». Malheureusement la contre-attaque avait déjà fait des progrès et la gauche de la ligne ayant cédé, toute la ligne fléchit.
La retraite d’abord un peu rapide s’effectua en ordre. Elle continua jusqu’au chemin allant rejoindre la route de Seichamps. Là tout le monde fait demi-tour et sous les ordres du Capitaine Major Revol se reporte en avant.
(JMO du 206ème RI, 26 N 714-4)

Témoignages
« Toutefois, nous serait-il permis de citer un beau modèle de sacrifice dont nos chefs, dans cette bataille, ont donné de si magnifiques exemples? Le colonel Vénot, colonel à 44 ans, officier de grand mérite, sur lequel reposait l’espoir de hautes et heureuses destinées, commandait le 206èmed’infanterie. On lui donne l’ordre de s’emparer de la forêt de Champenoux, libérée d’ailleurs d’Allemands, lui dit-on. Il fit alors, à haute voix, cette réflexion : « c’est fou ».
Tout de même confiant, il s’avance, mais avec prudence, et aperçoit aussitôt l’ennemi qui fourmillait à la lisière du bois. Il informe ses chefs, demande, en même temps, un fort appui d’artillerie pour réussir l’opération qu’on lui impose.
On le lui refuse avec raideur ; on lui écrit : « Le 206ème manque de mordant. Dans votre intérêt et celui de la France, marchez. » Alors, froissant dans sa main l’ordre nouveau qu’il vient de recevoir, résolu, il se tourne vers les officiers qui l’entourent, en disant : « Messieurs, c’est l’ordre de mourir ». Et à ses soldats, il commande : « En avant, mes enfants, vive la France » A. la tête de son régiment, il part, fougueux, contre l’ennemi. Mais bientôt, il tombe, comme il l’avait prévu.
Et ils sont là, alignés sur le champ d’honneur, les chefs, les premiers, colonel, commandants, capitaines, chacun à son poste de bataille, holocauste d’un prix si précieux offerte à la grandeur et à la gloire de la Patrie, modèle digne d’être donné en exemple aux générations à venir.

Ils savent d’avance qu’ils vont à la mort. L’ennemi, en effet, est en face, muni de toutes sortes d’engins de défense, et ils marchent, fièrement, valeureux, impuissants, et, malgré tout, accomplissant, avec une parfaite abnégation, leur sacrifice volontaire, mais inutile, qu’on aurait pu éviter, si on avait eu des renseignements plus précis et plus sûrs, et on eut ainsi gardé, pour d’autres moments des ressources d’intelligence, de force, de vertu acquises, des capacités
fécondes qui auraient rendu les plus éminents services. » (Notes de guerre de l’Aumônier de la 68ème Division de Réserve, Charles Burbaud)

Venot02
Cénotaphe construit sur le lieu même de la mort du Colonel Venot
(Aquarelle du Médecin Chef du 206ème RI, Louis Ferron.)

A l’endroit même de sa mort, un monument en bois fut rapidement installé pour garder le souvenir du sacrifice consenti des hommes du 206ème RI et de son vaillant Colonel. La famille achètera 10 m2 à la famille de Préval de Fleur-Fontaine pour s’assurer de la pérennité du monument souvenir. Aujourd’hui, il a disparu mais l’enclave est toujours cadastrée dans la parcelle 4. Le corps du Colonel est aujourd’hui au Cimetière du Sud à Nancy, dans le Carré militaire à l’emplacement 872.